Me Mamadou Ismaila KONATE

COMME D’UNE SINISTROSE QUI NOUS HABITE

Pris d’une profonde amertume en suivant l’évolution sans cesse négative de l’actualité de notre pays ces derniers mois, annonce de décès par-ci, attentat par-là, prise d’otage plus loin, querelle de sémantique entre opposants et opposés, et, scrutant les attitudes des uns et des autres dans ce monde de névrosés en même temps que je lis leurs propos en me limitant simplement aux seuls mots qui y sont les moins saugrenus, les plus expressifs et les plus audibles, et, même lorsqu’ils sont mal dits, pourvu qu’ils soient un peu mieux égrenés déjà, y tenant bon compte et faisant une bonne analyse de cette actualité, malgré son évolution fulgurante, je me décidai à trouver le mot qui traduise le mieux, à la fois l’angoisse que je ressens, mais également le cynisme qui habite certaines personnes, à l’égard et/ou à l’encontre du Mali qu’elles évoquent tant, sans jamais mettre en avant qu’il s’agit du seul et unique patrimoine qui unit des gens, devenus si insignifiants aux yeux des uns et des autres et de tous ceux qui étaient jadis frères et sœurs, amis et alliés en tous genres, que les uns soient du nord et les autres du sud, peu importe, pourvu qu’ils se réclament de l’islam moderne et modéré, ou même d’autres religions, qu’elles soient chrétiennes en protestant, évangélistes en priant dieu, le seul et l’unique, ou qu’ils ne soient même  pas en obédience avec nul dieu et rien, même pas un culte, au nom de la liberté et de leur choix de penser ou de ne pas penser, de dire ou de ne pas dire et de se taire, d’être animistes et ressortissant de tous sexes, hommes et femmes et originaires de tous âges, jeunes et vieux… grabataires, perclus et exclus de tout, sans jamais pouvoir être quelque part, les démunis sociaux, les déflatés de la fonction publique en passe de se privatiser, enclins à prendre la rue pour se faire entendre à dix, en rang serré, pour ne jamais laisser aucun espace inoccupé pour la diffusion télé et le reportage radio, bouchant les passages de toutes les rues à sens unique, au nom d’une Révolution  crépusculaire, tambours battants et sans aucune trompette, la dernière de Taras et compagnie  étant trouée…

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J’ai choisi le mot «sinistrose» qui traduit le mieux mon état d’âme de l’heure et mon état d’esprit de l’instant et sans doute des instants à venir puisque nous avons décidé d’être en contact avec la tourmente et de ne jamais baisser la tête, foncer bille en tête, face au vent, dire oui à la sinistrose même en marées hautes loin des océans et près des marigots sans jamais qu’il n’y ait aucune rivière dans les contrées.

Pour autant, je ne voudrais guère me tromper de mot pour identifier le meilleur « véhicule » qui transporte ma pensée, en prenant le soin de l’amener jusqu’au bout, sans jamais que les essieux du véhicule ne cèdent sous le poids encombrant des phrases que j’aligne et qu’à la lecture, cela ne donne une mauvaise impression d’un tête-à-queue conduisant tout droit au mur, celui de la sinistrose. Certains me trouveront lourd et indigeste à lire, d’autres pédants, mais très peu trouveraient à redire après que j’ai dit sans jamais être capable de relire ce que j’ai dit…

FAMA

Le poids des mots, le choc de la sinistrose qui m’habite.

Et pourtant, je ne voudrais rien dire ou laisser dire, voire laisser croire d’autre que la sinistrose et pas au-delà. Je ne veux rien exagérer non plus de ce que je ressens réellement, étant bien entendu que dans le genre d’exercice auquel je me livre, l’extase, à la fois facile et difficile, surtout dans ce genre de circonstances, jugées probablement plus malheureuses que heureuses aujourd’hui par le plus grand nombre, je ne penserais et ne croirais que sinistrose !

Animé par le souci, y compris dans les circonstances actuelles de sinistrose, de dire et de tout dire, tant qu’à faire, vaut mieux dire des choses sensées. Justement, prenant soin de moi et de la qualité de ma parole que je voudrais à la fois si profonde mais en même temps banale pour qu’elle soit accessible, à défaut d’être perceptible au plus grand nombre, j’ai pris la peine de regarder le sens de « sinistrose » dans le « Robert ». C’est un syndrome psychique, plutôt observé chez les victimes d’accident. Or, je n’ai aucune intention ni prétention, même pris par l’euphorie d’une schizophrénie, le temps de cette écriture savante, de me laisser aller à subitement confondre quinze millions de maliens en une communauté d’accidentés de la route ou de grands blessés de guerre. Il est vrai qu’une interminable et lancinante crise frappe le Mali depuis quelque temps, que certains mauvais esprits ont décidé d’exposer à la pire des vindictes, celle des  djihadistes.

Et pourtant, aussi brave qu’elle apparaît cette crise, elle a été en partie vaincue, défaite et amputée de la « djihad militaire ». Elle ne conserve plus que sa dimension politique, moins guerrière elle, mais qui place « opposition » et « majorité » dans un face à face terrifiant, sous le contrôle d’une société civile sans aucun sens de la civilité et dénuée de civisme. Où sont les gueux, sont-ils passés par là-aussi ?

Annoncer la mort subite du Chef de l’Etat dans une rumeur assourdissante, ce, durant soixante douze heures sonnantes est un record inégalé. Dans le temps et dans l’espace, aucune voix dissonante, pas même celle d’un chef de gouvernement sans doute endeuillé avant l’heure par le bourdonnement et que dire du porte-parole gouvernemental, aphone, microscopique et hagard, tous deux incapables d’ anéantir la bourrasque de cette « rumeur » qui a failli être réalité, du moins aux yeux de certains, opposés à la vie et au droit à la vie, mais qui craignent malgré tout la mort, de peur de mourir un jour, craignant cette mort sauf lorsqu’il s’agit seulement de celle des autres, pas de la leur, mais celle des autres, tout le monde sauf eux …

La crise n’est pas que politique dans notre pays, elle est cultuelle, communautaire, sociale, sans compter la crise des couleurs, celle des gouts et du sursaut régional, depuis que les KOUFA s’y sont mis, en annexe de la vraie djihad, celle menée sous l’égide d’Iyad Agaly, en passe de devenir émir dans un sultanat au sud de Sikasso, juste le temps qu’on lui donne l’assaut final, pour qu’il goute lui aussi à la sinistrose …

La crise n’est pas ou n’est plus militaire puisque les FAMAS se sont réveillés, en avant, marche, désormais sous contrôle et à la cadence des massasi, les cousins ancêtres des descendants de Jata, ont vaincu la première version  militaire, des capitaines passés généraux ont débarrassé le plancher des vaches et que Kita a été définitivement libéré sans grand traumatisme et que plus aucun taureau ne se trouve dans l’enclos pour ne jamais entendre parler de sinistrose de la manière la plus cynique.

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Par les temps qui courent, la sinistrose créée dans l’esprit de certains, l’illusion d’une aggravation inconsciente des séquelles éventuelles d’un état pathologique que l’on croyait pourtant guéri, en tout cas depuis que le Mali a signé le plus bel accord de l’histoire des peuples, épris de paix, de concorde et que les maliens sont férus d’ordre de sécurité. Même si, comme tous les beaux accords dans ce monde ici bas, ils sont toujours signés en deux temps. Et tous ceux qui, nombreux, auront pâti de cette crise à l’allure guerrière…

Comme la sinistrose, tous ces autres restés sur la paille, sont mus et gagnés par le désir de se venger et/ou d’obtenir coûte que coûte, vaille que vaille réparation de leur immense préjudice consécutif à ces amputations de ces parties essentielles du corps et de l’esprit qui les habitaient, pour ceux d’entre eux qui sont encore en vie et qui n’ont plus le gout d’envier aucune autre beauté que celle qui saute à l’œil et leur parle aux oreilles.

La sinistrose a cet inconvénient de traduire cette sorte de traumatisme et de créer une psychose chez la victime d’accident comme celle de la crise guerrière malienne, en l’occurrence, les appauvris de la crise. Ils sont mus et déterminés par cette seule obsession d’obtenir l’indemnité la plus élevée possible. Et Kouffa le sinistre, a-t-il lui aussi droit à indemnité pour son dernier fait de guerre, une prise d’otages à Sévaré avec au bout, treize ou quinze morts, les chiffres sont encore en discussion avant que le macabre bilan, à la fois « malheureux » et « heureux » selon les propos du porte-parole du gouvernement …

Ceux qui sont les moins touchés par la sinistrose ont le temps de s’arrêter un moment, de marquer une pause, de prendre des vacances sans jamais partir loin, pas plus loin que les rivages du Nil. Puisse tous les maliens ressentir plus fort la sinistrose des informations incohérentes et perfides, qui se lisent sur les réseaux sociaux, les radios privées, rurales et urbaines, qui se disent et s’entendent dans des bouches mal rincées, chacun étant devenu en lui tout seul une agence malienne et française de presse, courant vers la primeur de l’information insensée, incohérente et sans aucune source, tombée du ciel ou sortie de terre, brute de coffrage : Savez-vous que Mopti encerclé, est en passe d’être pris par le Front Uni des peuples de Bafoulabé, allié aux bobos de San et en discussion avancée avec les Soninkés de la périphérie de Guidimakha dont le premier responsable est le patron de Koïra Association de Descendants de Guerriers et Fils de Guerriers (KADGFG), intéressé par édifier le plus grand bâtiment devant abriter un hôtel de standing, dans la ville du même nom.

La sinistrose crée cet instinct chez le sujet qui finit par se persuader qu’il est réellement malade au point de ressentir effectivement les troubles dont qu’il souffre.

Le malien est-il devenu subitement malade ?

Mamadou Ismaila KONATE

Avocat à la Cour,

Génération Engagée

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